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Ruines de guerre ?

Il s’agit d’appréhender les ruines de guerres du point de vue de ses usages politiques et sociaux qui déterminent des représentations et des sensibilités : d’abord, la question du vécu quotidien des ruines a donné lieu à peu de travaux. Le « vivre parmi les ruines » mérite l’attention afin d’étudier les formes de résilience des sociétés meurtries mais aussi les usages multiples dont les vestiges font l’objet : abri, réserve et revente de matériaux, promenades, etc. L’appréhension des paysages de dévas-tation et leurs représentations peut alors construire le conflit en traumatisme collectif. Deuxièmement, la question des usages poli-tiques et de la reconstruction. La transforma-tion des ruines en monuments commémoratifs, en mémoriaux, est fréquente. Les ruines sont alors le lieu d’élaboration d’un discours écrit et imagé sur la guerre de la part des survivants mais aussi des autorités. Elles sont le lieu de transmission des souvenirs d’une génération à l’autre. Bon nombre de reconstructions mettent en scène les ruines de guerre ; elles peuvent aussi les effacer, pour rétablir le fil rompu de l’histoire avec les temps antérieurs à la destruction.

Enfin, la troisième question concerne la patri-monialisation des ruines, largement motivée par le développement du tourisme de guerre. Les ruines sont alors les décors privilégiés de nouvel-les pratiques sociales très variées : reconstitu-tions historiques ou Living history, spectacles son et lumière, tournage de film d’époque, pèleri-nages. Ces vestiges s’imposent alors comme des ressources économiques de première importan-ce, offrant de nouvelles formes de réappropria-tion du passé par des générations n’ayant pas connu les guerres. Cette patrimonialisation peut donner naissance à des « paysages de guerre » de grande étendue : Oradour, plages du Débar-quement. Nous défendons le pari d’un temps long, du XVIe siècle à nos jours, afin de saisir les origines et les évolutions lentes des usages so-ciaux des ruines de guerre. En effet, la première modernité recèle les exemples remarquables de ruines de guerre conservées, églises ou temples saccagés lors des guerres de religion. Les XVIIe et les XVIIIe siècles sont riches en sièges de ville (Lille, Marseille, Strasbourg,…) et en guerres de campagne (Malplaquet) qui laissent derrière eux des ruines de guerre, comme pour les terres d’Empire pendant la guerre de trente ans.

La fin du XVIIIe siècle voit l’émergence de la guerre « totale » qui engage – et expose – l’ensemble de la société, conduisant à la dilution du front de bataille dans les espaces bâtis de l’ « arrière ». Il en résulte que les vestiges de guerre sont diversement localisés selon les types de violences encourus : bombardements, massa-cres collectifs, scènes de bataille, etc. Sur le plan des représentations, les ruines occupent la place centrale qu’occupait jusqu’-alors la scène de bataille. La Première Guerre mondiale donne aux ruines de guerre une valeur iconique qui ne cesse de se renforcer avec la guerre d’Espagne (Guernica) et la Seconde Guerre mondiale (Oradour, Coventry, Varsovie, Berlin, etc.).
Aujourd’hui, l’actualité syrienne ou libyenne nous montre combien les ruines sont devenues la métaphore même de la catastrophe guerrière. Ces bornes chronologiques n’empêcheront pas d’interroger ponctuellement des spécialistes des périodes antérieures.

Ruines du chemin des dames. © Mathilde Greuet

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